Promouvoir la santé menstruelle au collège-lycée ?

L’adolescence suscite de nombreuses questions. Pour les jeunes filles, l’arrivée des premières règles peut être difficile à vivre, surtout si elles n’en ont pas été avertie, et si le discours familial en a véhiculé une image « honteuse » et « dégoutante ». Comment et pourquoi parler positivement des règles au collège-lycée ? Voici quelques actions clés à mettre en place dans un établissement scolaire.

Le tabou des règles est levé, mais l'intime doit être respecté

Certes, les réseaux sociaux ont bousculé le mouvement : le rapport au corps et à l’intime y est librement évoqué, et le tabou lié aux règles semble levé. Mais n‘oublions pas que le cycle menstruel relève de la plus grande des intimités féminines : chaque jeune fille le vit de manière unique, à son rythme. 

Parler des règles doit se faire le plus naturellement possible, à travers un discours positif et décontracté, mais surtout respectueux de l’intimité. Tout comme l’aborde le livre illustré d’Elise Thiébaut, « Les règles… Quelle aventure ! », avec humour et légèreté.

Face à un public mixte, il peut y avoir une comparaison entre le cycle du soleil et le cycle de la lune : le cycle solaire dure une journée, et le cycle lunaire un mois (comme le cycle menstruel).

Reconnaître et calmer les douleurs des règles

Oui, les règles sont douloureuses, il ne faut pas le nier. Mais le corps féminin est conçu pour y faire face, digne d’un super pouvoir ! Heureusement, les règles ne durent que 4 à 6 jours en moyenne, et la douleur est souvent inconfortable les 24 premières heures. 

Il faut surtout expliquer pourquoi et comment ce phénomène est douloureux. Le premier jour, la douleur des règles (ou dysménorrhée) peut être présente en continu, mais pas les crampes menstruelles ! Souvent, ces crampes sont séquencées et ne durent que quelques minutes : l’utérus se contracte pour expulser sa « peau », tel un serpent qui fait sa mue. Le sang coule peu de temps après leur apparition. Il ne s’écoule pas en continu dans la journée, mais au rythme des crampes, de manière séquencée. A la fin des règles, une peau neuve, l’endomètre, se développe tout au long du nouveau cycle pour se décrocher aux règles suivantes.

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Des gestes simples contre les douleurs menstruelles

Pour faire face aux douleurs de règles, les jeunes ont besoin de connaître les gestes simples à adopter :

  • le choix des produits menstruels : mieux vaut privilégier les accessoires externes (serviettes, culottes menstruelles, etc.) plutôt que les accessoires internes (tampons, cup, etc.). Ces derniers modifient, voire dénaturent la flore vaginale et accentuent inutilement les crampes et la lubrification naturelle du vagin ;
  • du repos : un lit ou un fauteuil pour s’installer en position foetale qui apaise les tensions dans le bas-ventre ;

  • la bouillotte : la chaleur favorise l’afflux sanguin, elle a un effet apaisant sur les tissus ;

  • une tisane : si possible à base de fenouil, de feuille de framboisier ou d’achillée millefeuille. Ces plantes vertueuses soulagent les douleurs de règle ;

  • l’appareil d’électro-stimulation : c’est une technique très efficace qui empêche la transmission du message « douleur » au cerveau ;

  • les antalgiques : ils doivent être proposés en dernier recours, lorsque toutes les ressources de grand-mère ont été épuisées. A noter que des règles anormalement douloureuses peuvent être signe de maladies gynécologiques, telle que l’endométriose, qui nécessitent un avis médical.

Anatomie, physiologie... et pratique !

Lorsque le sujet des règles est abordé en classe ou en consultation, la compréhension du corps et de son fonctionnement est essentielle. Il faut parler du cycle menstruel dans sa globalité, incluant les 3 principales phases : les menstruations, l’ovulation et le Syndrome Pré-Menstruel, qui sont sous l’influence des hormones sexuelles.

Mais l’anatomie et la physiologie ne suffisent pas : présenter les différents produits menstruels (au moins les tampons et les serviettes hygiéniques) qui existent sur le marché aide et rassure les jeunes filles. Pour aller plus loin, pourquoi ne pas faire installer un distributeur de tampons et de serviettes hygiéniques biologiques à l’infirmerie ? Un accès gratuit à des produits sains et respectueux de l’environnement, pour moins de stress et de tabou !

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Santé menstruelle : quelle éducation au bien-être menstruel ?

Les femmes et les professionnel-le-s de santé ont un rôle fondamental à jouer dans l’éducation à la santé menstruelle. Leur mission : éduquer à la compréhension de la physiologie du cycle, à la gestion de l’hygiène intime et aux accessoires menstruels. Leur objectif principal : lutter contre la précarité menstruelle

En quoi consiste l’éducation menstruelle ?

Le Royal College of Nursing a constitué un guide éducatif « Promouvoir le bien-être menstruel » pour accompagner les infirmiers dans cette démarche de santé. La gestion des menstruations passe par la compréhension du fonctionnement du cycle et du corps, le recueil du sang et la gestion de l’hygiène menstruelle (2).

La physiologie du cycle menstruel

En devenant attentif au fonctionnement du cycle menstruel, une sécurité est assurée pour identifier tout changement nécessitant un avis médical (1). Parmi les symptômes liés au cycle, la dysménorrhée peut être banalisée tant par les femmes que par les soignants, d’une part parce qu’il est « normal » pour une femme de souffrir lorsqu’elle a ses règles (2, 3), et ensuite parce que dans l’inconscient collectif, les femmes supportent mieux la douleur que les hommes (3). Cette banalisation peut retarder le diagnostic d’anomalies liées au cycle féminin. C’est le cas de l’endométriose, pathologie évolutive dont le diagnostic est retardé de 6 à 10 ans, laissant le temps à la maladie de proliférer, d’accentuer les douleurs, d’engendrer une stérilité féminine et d’entraîner une dépression, voire un isolement (2).

La gestion de l’hygiène intime

Elle permet de limiter tout risque infectieux (4). Une éducation à l’hygiène gynécologique s’applique aussi en dehors des règles, en commençant par se laver simplement à l’eau et éviter les douches vaginales – cette pratique consiste à injecter un liquide nettoyant dans le vagin. Organe auto-nettoyant, le vagin constitue tout un microbiote vaginal protecteur. D’après le Docteur Jean-Marc Bohbot et Rica Etienne, il existe de nombreuses communautés de micro-organismes composées essentiellement de bactéries, de virus et de champignons qui colonisent certains organes du corps humain. Chaque microbiote est spécifique à la zone où il se localise, et celui du vagin assure la protection du territoire grâce à ses propriétés métaboliques et immunologiques qui empêchent le développement de germes pernicieux (5). Aussi, de simples gestes sont à adopter, comme limiter le port de vêtements trop serrés et privilégier le coton au synthétique.

Les soins et accessoires menstruels

Le recours aux accessoires menstruels demande toute une intervention éducative (2). La composition des tampons et des serviettes hygiéniques n’est pas soumise à une réglementation de sécurité sanitaire. C’est pour cette raison qu’il est recommandé d’utiliser des protections hygiéniques éco-responsables. Le vagin étant un organe ultra-absorbant, doté d’une capacité d’absorption 20 fois plus importante que celle de l’estomac, une exposition vaginale à certains composants considérés comme perturbateurs endocriniens serait néfaste tant pour la santé gynécologique et menstruelle que pour la santé foetale. Cet impact de l’environnement sur la santé concerne d’une certaine manière les menstruations car, pendant la grossesse, le foetus est exposé à des perturbateurs endocriniens et à d’autres polluants de l’environnement, ce qui aura un impact lorsqu’il commencera sa puberté puisque cela va induire des troubles hormonaux ou des pathologiestelles que le Syndrome des Ovaires Polykystiques, l’endométriose et l’adénomyose.

En tant qu’Infirmière de l’Éducation Nationale, j’informe régulièrement sur le port de tampon, serviette et coupe menstruelle. Je préconise de changer ses protections régulièrement afin d’éviter tout risques infectieux, et de prévenir le Syndrome du Choc Toxique (SCT). Martin Winckler explique qu’environ 10% des femmes sont naturellement porteuses du staphylocoque doré dans leur vagin, et lorsque cette bactérie s’est suffisamment développée à cause d’un port trop long de tampon ou de cup, elle finit par produire une toxine responsable de ce choc. Cette maladie aiguë reste rare car elle touche une vingtaine de cas par an en France, mais elle est peut être létale (6).

Objectif principal : lutter contre la précarité menstruelle.

Selon l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) Simavi, les femmes et les professionnel-le-s de santé détiennent une place fondamentale pour établir une discussion ouverte sur la santé menstruelle. Un véritable travail est élaboré pour définir et instaurer un programme de santé et d’éducation menstruelles à l’échelle internationale (4).

Les professionnels de santé et les associations mettent en place des actions telles que questionner les attitudes et les perceptions négatives, veiller à ce que les femmes puissent avoir accès aux accessoires menstruels, et leur permettre de gérer leurs règles en toute intimité et dignité (2). Au sein de l’Éducation Nationale et des associations, les actions suivantes permettraient de lutter contre certaines problématiques de santé publique (7) :

  • la précarité menstruelle, qui concerne les adolescentes, les étudiantes, les femmes Sans Domicile Fixe et les familles précaires ;
  • le manque d’autonomisation des femmes en situation de handicap : confrontées à des difficultés dans leur autonomie face à la gestion de l’hygiène menstruelle et dans le choix d’une protection périodique qui leur convient, les inclure à cette question de santé leur serait favorable ;
  • le manquement scolaire, problématique à laquelle les infirmières scolaires peuvent se confronter. Si l’absence scolaire s’associe à la précarité menstruelle, ces facteurs représentent de potentiels risques de décrochage scolaire.

Bibliographie

(1) THIÉBAUT Élise. Ceci est mon sang, Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font. Éditions La découverte. 2017, 248 pages. ISBN : 2707192929.
(2) Royal College of Nursing. Promoting menstrual health [consulté le 14 mars 2020]. rcn.org.uk [en ligne].
(3) CHAPRON Charles, CANDAU Yasmine. Idées reçues sur l’endométriose. Collection Idées reçues. Éditions Les Cavaliers bleus. 2018, 131 pages. ISBN 979-1031802367.
(4) JAUNIN-STALDER Nicole, MAZZOCATO Claudia. Hommes et femmes : sommes-nous tous égaux face à la douleur ? [consulté le 11 janvier 2020]. Revue médicale suisse. revmed.ch [en ligne].
(5) BOHBOT Jean-Marc, ÉTIENNE Rica, Microbiote vaginal, la révolution rose. Éditions Marabout. 2018, 288 pages. ISBN 2501126750.
(6) RIMBERT Katia. Syndrome du Choc Toxique : cette maladie ne touche pas que les femmes [consulté le 16 janvier 2020]. Yahoo Style France [en ligne].
(7) Arab Women’s Solidarity Association. En règles avec son corps – Outil pédagogique [consulté le 26 avril 2020]. awsa.be [en ligne].

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